Ou pour ceux qui auraient sous les yeux une ancienne carte de l'Indonésie, l'ile des Célebes.
Mardi 22 Avril – En route vers Rantepao
Lever encore une fois bien avant que le soleil ne se lève, non pas pour admirer l'aube d'un point de vue quelconque mais pour prendre l'avion en direction de Makassar, au sud-ouest de Sulawesi. Si je vous dis que je me suis endormie dircet dans l'avion et que j'ai raté la superbe vue sur le mont Merapi au décollage de Yogya, ça vous étonne? Non? Ben moi non plus! Igor lui n'aura rien raté du spectacle. On atterrit sans soucis à l'aéroport et sans même avoir besoin de chercher, nous trouvons notre chauffeur et notre guide. Parce que j'avoue que sur cette dernière partie du voyage, on ne voulait plus s'embêter avec les transports en commun et la galère des changements de bémos, donc on a opté pour l'option voiture avec chauffeur, doublé de la présence d'un guide pour nous raconter la culture Toraja dans ses moindres détails. On aura bien fait, il va s'avérer que Herman (notre guide donc) est une perle dans sa catégorie.
Le but de cette virée en Sulawesi? Le pays Toraja qui est situé juste au sud ouest de la partie centrale de l'ile. Vous suivez? En gros , c'est toute la partie entourant la ville de Rantepao, que nous voulons rejoindre dans la journée. Et c'est pas gagné. 300km nous séparent de notre but, et loin d'avoir un réseau routier comme en France où cette distance se serait résumée à 3h de voiture environ (et encore, si vous vous trainez), l'Indonésie est beaucoup moins bien desservie. Il nous faudra plus de 8h pour rejoindre Rantepao! Avec des pauses en chemin pour se dégourdir les gambettes.
Première pause, après une petite route longeant la mer bordée de maisons traditionnelles du pays Bugis (pays qui consiste en la partie au sud du pays Toraja, c'est-à-dire la péninsule sud est de Sulawesi). On s’arrête près d’un pont sous lequel niche des chauves-souris dont les nids sont très recherchés par les Chinois qui en raffolent dans leurs petits plats. Ben en fait, on n’en a pas vues. Par contre, de l’autre coté du pont se trouvait un stand de séchage de poisson, ainsi que des petites cahutes vendant ces denrées. Poissons ouverts en deux, vidés et mis directement à sécher au bord de la route et avec le soleil qu’il fait, en 2 jours c’est plié! On s’est rendu compte que la voiture climatisée n’était pas de trop…
On continue notre voyage, toujours tout droit vers le nord en longeant la cote ouest et une nouvelle pause pour découvrir un chantier naval bugis. Ces bateaux sont très recherchés pour leur robustesse, il faut dire que la fabrication se plie à de nombreuses règles : pas de plans (tout par oral!), pas de clous, bien positionné les planches dans le sens de la pousse du bois (surtout pas tête en bas!)… en quoi cela les rend robustes? Aucune idée mais ils sont très demandés. Il n’y a qu’à écouter les récits de pirates volant les bateaux (sans faire de mal à l’équipage, les pirates ne sont plus ce qu’ils étaient) d’Herman pour s’en assurer…
Mais la route est encore longue! La pause suivante? Pause déjeuner avec vue panoramique (ce qui va devenir une habitude vous allez voir) sur l’île en face de la baie de Pare-Pare. On quitte ensuite la cote pour pénétrer dans les montagnes en directin du Pays Toraja. Pause suivante? Pause thé avec une vue panoramique sur une montagne. Mais pas n’importe laquelle : si vous étudiez la photo qui suit, vous trouverez (ou pas) qu’elle a la forme d’un sexe féminin… d’où son nom : la montagne érotique!
Après encore quelques heures de route bien sinueuse on arrive de nuit et sous une pluie fine au Pays Toraja et plus particulièrement à Rantepao où se trouve notre hôtel. Première chose à faire en arrivant? Commander son repas du soir car ils sont très connus pour ne pas être pressés! Et c’est ici que nous ferons connaissance avec un de nos coups de cœur culinaire : le jus de terong, ou jus de tamarin. Excellent!
Mercredi 23 Avril – Grand marché de Rantepao et cérémonie funéraire
On commence notre rencontre avec le Pays Toraja par un évènement important là-bas, le grand marché de Rantepao. Il a lieu tous les 6 jours et attire les Torajas de tout le coin! Donc beaucoup de monde et beaucoup de produits. On commence par la partie marché plutôt comme chez nous : fruits, légumes, bric-à-brac de toutes sortes… Un joyeux bazar où on en prend plein les yeux.
Vient ensuite la partie poissonnerie, avec les poissons tout frais qui sautillent sur les étals, voire même nagent dans des bassins. Fraîcheur garantie! De toute façon, quand ils n'apportent pas directement les poissons, ceux-ci sont séchés sur les bateaux de pêche, donc pas de risque de qualité suspecte.
Ensuite, on se dirige vers la partie intéressante du lieu : le marché aux buffles et cochons. Vous avez déjà vu un buffle? Sachez que les gros taureaux de chez nous n'ont rien à leur envier! Un corps énorme et puissant, des cornes plus ou moins longues ils sont très impressionnants. Je ne faisais pas la maline lorsque notre guide nous a emmenés zigzaguer entre les buffles retenus seulement par une corde attachée dans leurs museaux… En fait ils sont très placides et ne réagissent pas à notre passage mais j'avais toujours peur de me prendre un coup de patte!
Il faut dire qu'on a aussi vu un buffle sauvage qui venait tout juste d'être amené au marché. Tout droit venu de son coin tranquille (Komodo?), il était dans un état d'énervement visible : il tentait de s'enfuir (ou peut-être de foncer tout droit?) dès que quelqu'un s'approchait trop à son goût, c'est-à-dire tout le temps! Ses gestes brusques en venaient jusqu'à lui blesser le museau, et avec son regard fou et la bave aux lèvres, ça rajoutait encore à l'aspect effrayant de la bête.
Ensuite vient la partie réservée aux cochons. Vous vous imaginez un ou des enclos dans lesquelles s'ébattent joyeusement une flopée de cochons s'amusant à se vautrer dans la boue? Pas du tout! Les cochons sont saucissonnés (que je suis drôle) à l'extrême autour de bambous plus ou moins épais. A part crier, et ils ne s'en privent pas, ils ne peuvent rien faire. Pour les transporter, rien de plus facile : il suffit de lier les bambous du cochon à des bambous plus longs qui seront ensuite portés par 2 ou 4 indos selon la taille de l'animal. Les rangées de cochons sont installées de sorte que le passant ne se retrouve jamais face à la gueule d'un des mammifères, ces derniers ayant une fâcheuse tendance à se venger de leur triste sort en mordant les mollets qui passent...
Mais pourquoi y a-t-il autant de bêtes vendues durant ce marché? Parce que les Torajas sont fans de sacrifices. Mais pas pour n'importe quelle raison! Ces sacrifices (de buffles et de cochons donc) ont lieu lors des enterrements afin d'aider le mort à rejoindre l'au-delà. Plus la personne décédée est importante socialement, plus on tu de buffles! Le gouvernement a été obligé de taxer les buffles et cochons sacrifiés pour empêcher l'éradication de ces animaux dans le coin…
Herman ayant été informé d'une cérémonie devant commencer le jour même, nous nous sommes rendus dans le village d'où venait le mort. Les enterrements là-bas donnent lieu à des cérémonies époustouflantes : sur plusieurs jours ont lieu des processions, des sacrifices, des rituels, la fête… Un très grand moment dans la vie d'un village puisque les membres de la famille du défunt et ses amis font le voyage depuis leur lieu de résidence (autre village toraja, île indonésienne reculée voire pays du monde entier) pour y assister. Et pour trouver une date qui convient à tout ce monde (et trouver de quoi payer le voyage et la cérémonie) il faut s'y prendre longtemps à l'avance! Mais pas de soucis pour le mort, son corps est embaumé et il « vit » dans son ancienne maison entouré par les siens qui font comme s'il s'agissait d'une personne malade…
Pour pouvoir accueillir tout ce monde en même temps, une sorte de village temporaire est construit, c'est là que nous allons pour attendre le début des évènements. Pour nous faire patienter, une personne de la famille du mort nous offre du thé et des petits gâteaux torajas (miam!). Mais enfin, ça commence. Il s'agit du premier jour de l'enterrement qui commence toujours par une procession. Le corps du mort est installé dans un corbillard magnifique du meme style que les maisons torajas. Les hommes du village et de la famille sont ensuite chargés de le transporter en poussant des cris pour chasser la tristesse accumulée depuis le décès (souvent des mois avant) tandis que les femmes ouvrent et ferment la marche sous des draps rouges et blancs.
Spectacle intrigant et très fouillis, on croit à chaque moment que le corbillard va verser, mais non! Le corbillard est précédé de personnes dont le nombre représente celui des buffles qui vont être sacrifiés tandis qu'en queue de procession, quelques buffles décorés font également la parade.
Ensuite, vient la phase des condoléances. Chaque famille venue de parfois très loin a droit à un moment privilégié avec la famille proche du défunt. Un groupe vient, s'installe sous un chapiteau et attend. Ensuite, la famille proche vient, s'assoit à coté du groupe et s'ensuit des discussions. Puis, des collations sont offertes. Et enfin, tout le monde repart, dans le même ordre. Et ça recommence avec le groupe suivant. Il peut y en avoir pour des jours!
On s'est éclipsé après le premier groupe, la faim commençait à se faire sentir… surtout que déjà pas mal de cochons avaient été tués et cuisaient un peu partout! Herman nous a donc conduit jusqu'à un restau de sa connaissance où il avait commandé le repas par avance. Mais pourquoi? Pour qu'on puisse goûter à des spécialités torajas : les pa'pions. De la viande de poulet associée à du riz, des légumes, du gingembre et autres épices qui sont fourrés dans du bambou et mis à cuire sur feu de bois. Un délice! On a aussi pu gouter de la viande de porc grillée cuisinée à la sauce toraja : mes papilles en rêvent encore…
J'ai oublié de préciser mais le restaurant avait vue panoramique sur les rizières alentour!
Ensuite, on part en direction de notre premier tombeau funéraire toraja, premier d’une longue liste! Les habitants de ce coin ne s’enterrent pas une fois morts (pour ne pas souiller la terre d’où provient les cultures) mais se creusent des tombes dans les falaises ou les rochers ou utilisent des grottes naturelles. Heureusement pour eux, le pays toraja regorge de telles facilités. Nous voici donc face à une falaise dressée derrière un village typique dans laquelle est creusée un grand nombre de tombes.
J’oubliais, les torajas, pour ne pas oublier les défunts, créent une réplique du mort grandeur nature… Troublant de réalisme.
Jeudi 24 Avril – Monuments funéraires de toutes sortes
Journée entière basée sur la découverte des us et coutumes des Torajas. On commence par un village typique à l’architecture si particulière au pays : les toits des maisons et greniers à riz sont en forme de coque de bateau. Malheureusement (pour nous), le progrès fait son entrée par là-bas et ils trouvent que c’est trop la classe d’avoir un toit en tôle… perso, je préfère la paille.
Les cornes de buffle et machoires de cochons qui ornent les façades, montrent le degré d’importance des gens lors de leur enterrement : plus il y a eu de buffles/cochons sacrifiés, plus la personne a un rang social élevé.
Après ça, direction un endroit un peu moins bucolique : le cimetière pour enfants… Ici, si un enfant meurt avant l’age d’environ 2 ans, il est enterré dans le tronc d’un arbre spécial. Ils creusent une petite cavité, y mettent le corps, et le temps agissant, l’écorce de l’arbre se reforme autour du corps. Ils ont ainsi l’impression que l’enfant continue de grandir avec l’arbre.
Pendant qu’on regardait cet arbre et qu’on écoutait Herman parler, je me suis fait bouffer par les moustiques! Et dire que je faisais super gaffe depuis un certain temps… Mais là, ça a été le bouquet! Et bien sur, les deux autres en pantalon n’ont rien eu…
Ensuite, déjeuner dans un resto (pas de vue panoramique cette fois…) où on s’est repus de pa’pions. On avait commandé du porc grillé mais ils nous ont apportés du poulet cuit dans le bambou. Un peu déçus au premier abord (trop bon le cochon grillé!) mais au final c’était très bon.L’après-midi, de nouveau visite d’un village toraja, celui-là ayant la particularité de posséder une nuée de chauves-souris végétariennes dans les arbres voisins. Je n’aimerais pas trop habiter là, ça fait un boucan pas possible!
Vendredi 25 Avril – Un petit tour dans les rizières ça vous dit?
On commence la journée par un énième passage dans un pays à l’architecture typique, sympa mais c’est en fait un prétexte pour nous acheter quelques souvenirs dans les boutiques pour touristes… Les masques en jettent à mort sur mon mur maintenant!
Le véritable but de la journée : une ballade dans les rizières des montagnes torajas. Paysages magnifiques le long de la route, rizières en étage dans lesquelles sont disséminées des roches gigantesques, vestiges d’une éruption d’un temps très lointain. C’est assez surréaliste.
On arrive au point de départ de la rando, un village dans lequel tous les gamins se précipitent sur nous en nous demandant des bonbons! Et ils ne se fatiguent pas du tout à nous suivre pendant un moment! Finalement, les seuls qui en auront eu, des bonbons, sont ceux qui n’auront rien demandé, bien sages sur leur balcon.
Rizière superbe, rien à dire. En revanche, bosser ici sous le cagnard, très peu pour moi! D’autant plus que la culture du riz demande beaucoup de boulot…
Et après avoir traversé le vallon, restau avec vue panoramique (je vous avais dit que ça deviendrait un leitmotiv!) sur les rizières dans lesquelles on était peu avant, dans lequel on a pu déguster notre porc grillé… miam!
Et avant de rentrer, petit crochet par un autre « cimetière » : un énorme rocher volcanique dans lequel ont été creusées des dizaines de tombes! Et ça continue encore aujourd’hui puisque deux tombeaux étaient en cours de préparation. Ça change des cimetières traditionnels de chez nous!
Samedi 26 Avril – Route vers le lac Tempe et ballade en pirogue
Herman nous ayant quittés la veille au soir, on se retrouve avec Anis comme guide. Qui m’avait vanté ses mérites quand j’avais demandé Herman comme guide en me disant qu’il était aussi bon et qu’il parlait aussi bien français… mes fesses oui! Il baragouine péniblement et en plus est plutôt chiant. Heureusement qu’on ne l’a que pour le weekend.
On dit au revoir au pays Toraja le matin, et bonjour au pays Bugis! Pour retrourner à Makassar où on doit prendre notre avion le lendemain, on prend le chemin des écoliers en faisant un détour par Senkang. Pourquoi? Pour faire un tour sur le lac Sempe.
Pour cela, on prend une pirogue bringuebalante (mieux vaut ne pas jouer au fou si on ne veut pas finir à l’eau) et après avoir navigué sur la rivière au milieu de la ville, puis des marécages, on arrive sur le lac, immense. Sympa, mais là n’est pas le but de la balade.
On est venus jusque là pour voir le village de pêcheurs. Pas un village habituel puisque celui-là est flottant! Les maisons reposent sur des bambous et le village tout entier migre selon les saisons et les lieux où s’installent les poissons. Lumière superbe, habitants sympathiques, poissons qui sèchent au soleil…
Mais on ne s’éternise pas, pas trop envie de tester le coucher de soleil et la nuée de moustiques qui vient avec!
Dimanche 27 Avril – Road back home
Dernière journée en Sulawesi, il ne nous reste plus qu’à rentrer sur Makassar pour prendre l’avion. Petit passage par un lieu de villégiature indo, où s’était donné rendez-vous tous les gens du coin! Plusieurs cascades, des grottes mais surtout des indos qui profitent de leur weekend en jouant dans l’eau, tout habillés of course. Un peu trop peuplé à notre gout.